Jazzword – Ken Waxman
Perfect balance expressed on Abîme relates properly to the teamwork among French pianist Céline Voccia and Germans, bassist Jan Roder and drummer Michael Griener. That’s because the dexterous and dramatic evolution of these seven tracks is invested with the demonstrated ebb, flow and effervescent currents of profound improvising. Each of the players works with everyone from Rudi Mahall to Matthias Bauer; and the three careen through varieties of pitches and tempos, skirting sloppiness with the skill of acrobats who balance on a shaking tightrope without ever falling.
Tellingly, as on “Miroirs Envolés”, the trio can build up a thesis from a deliberate mix of singular key slaps from the piano, that dip into low notes and detour to higher pitches as bass string strum and the drummer sounds metallic clips. By the climax, with the tempo eventually ascending from allegro to presto, Voccia builds a sonic structure of notes piled upon notes to an elevated finale. These dynamic interchanges are consistent during the CD’s evolution, especially on a track like “Ascension”, made up in equal part of roistering keyboard patterning, extended double bass string pulsations, rim shots and cymbal whooshes. A colorist rather than a beat smacker, Griener touch is sometimes discerning enough to suggest tap dancing. Never neglecting the pulse, Roder also buzzes and scratches the strings to add to dramatic build ups of thematic material. Using internal string rubs in response to hollow drum shots and string rumbles is as comfortable for Voccia as producing powerful key pushes and resounding crescendos.
Skilled affiliation reach a peak on the nearly 14-minute concluding “Rémanence”. Surging from an introduction that mixes chiming piano strings, twanging double bass strings and rustling drum clanks, the piece showcases soundboard echoes and key stops at the same time when Voccia creates a parallel melody. With drum taps and string tremor backing, the pianist creates a new theme as the multi-note key jiggling refer to the improvisation that began the album. A decisive trio disc that’s rhythmically sound, descriptively innovative with a touch of free-flowing melodia.
Nowhere Street – Peter Margasak
Earlier this year she dropped Abîme, an impressive trio recording with bassist Jan Roder and drummer Michael Griener, on the Jazzwerkstatt imprint. All seven pieces are fully improvised, but the buoyant, elastic rhythm section imbues the music with an elegant swing-based propulsion no matter how free or exploratory things get.
Voccia certainly didn’t ditch the influence of classical music when she left that world behind. Her playing toggles between abstract grace and harmonically dense splatters of sound, but her aggression and clattering clusters never get too heavy or ponderous, and her connection to the rhythm section really makes everything sizzle and spin. Even when the group builds up a major head of steam, as on the closing moments of “Miroirs Envolés,” the pianist banging away at the keys like Cecil Taylor, there is still something aerated and bouncy about the attack.
Jazzpodium – Wolfgang Gratzer
Unaufhaltsam, dabei zu keiner Sekunde geradelinig bahnt sich der dichte Strom dieses Free Music-Trios seine Wege. Allen dschungelartig wuchernden Geflechten zum Trotz entscheidet sich Pianistin Céline Voccia für schnelles, mitunter rasantes Tempo. Dem hochtourigen Spiel in gleicher Weise verpflichtet, ohne bloß zu sekundieren : Kontrabassist Jan Roder und Schlagzeuger Michael Griener. Mit den kollektiv suchenden « Lamentations » kehr nur vorübergehend Ruhe ein, das gemeinsame Spiel lädt sich unterschwellig zunehmend auf. Ähnliches im Anschluss, in der Mitte dieses gelungenen Albums : Für gut sechs Minuten klingt Beckett’sches « Néant » an, während das Trio doch neuerlich unermüdlich und mühelos Fahrt aufnimmt. Von diesem Trio sollte noch einiges zu hören sein, im Studio und im Konzert.
Freejazzblog – Paul Acquaro
With Berlin mainstays bassist Jan Roder and drummer Michael Griener, Voccia has found a pair of sympathetic colleagues who are able to effortlessly support her expansive musical ideas. It is also sort of no surprise, the versatile bassist and drummer are anchors of the Berlin free jazz scene, playing with both the legends, including Alexander von Schlippenbach and the late Ernst Ludwig Petrowsky, as well as current stalwarts like Silke Eberhard, Rudi Mahall, Axel Dörner, and many more. Voccia fits right in with playful atonalness, charismatic drive and startling flexibility.
From the first few ‚bars‘ of Ravin, the trio’s compatibility is obvious. The pianist starts with a set of quick melodic snippets while Roder jumps right in with a solid, supportive line. Griener adds unpredictable – but reliable – percussive accompaniment. The following ‚Miroirs Envolés‘ offers moments of austere melody and cradling rhythm section work before building to a heart pounding crescendo. The third track, ‚Lamentations,‘ gets exploratory. Bowed bass, trickling notes from piano, and far away rumbles from the drums, however, comes quickly together. Swooping bass lines connect with dense chords and a flowing rhythmic pulse. Greiner added textures provide a little bit of relief – but not too much – from the tension between the bass and piano. Then, ‚Neant‘ begins with a chilling set of chord tones, played sharply and contrastingly along with plunges into the instrument’s lowest octaves. This thrilling introduction then gives way to a spattering of percussion and probing bass work as splashes of notes festoon the sonic space with unusual impact. The remaining tracks serve as reinforcement of the ideas, adding additional moments of energetic dissonance and contemplative restraint.
Abime is a captivating debut recording from this trio.
Citizen Jazz – Franpi Barriaux
Nul n’est prophète en son pays : c’est par l’entremise de Silke Eberhard que le nom de la pianiste française Céline Voccia est parvenu à nos oreilles. Installée à Berlin depuis des années, la jeune femme a suivi – à notre décharge – un parcours qui l’a tenue éloignée de la France : après des études à Genève, elle a investi avec appétit la scène free de la capitale allemande, multipliant les rencontres, notamment avec Eberhard en duo ou avec Frank-Paul Schubert en quintet. Avec Abîme, elle propose un trio classique avec deux figures de cette scène, le batteur Michael Griener et le contrebassiste Jan Roder, notamment entendu avec Ulrich Gumpert ou Uwe Oberg, deux pianistes dont on peut mesurer l’importance pour Voccia, notamment dans l’intense « Dislocation » où Roder fait parler sa puissance et entraîne la pianiste dans les entrailles de son instrument pour mieux saisir une énergie brute qui progresse sur le fil des cymbales.
La musique de Céline Voccia s’attache avant tout aux sensations, à un mouvement qui aime les montagnes russes, comme en témoigne son jeu très subtil avec le silence dans « Néant », quand une main droite aussi sèche que parcimonieuse vient briser la lente progression du pizzicato de la contrebasse. L’intensité est souvent à son comble et le piano, même lorsqu’il est avare de notes, ne se perd jamais en conjectures ; avec ses compagnons, Céline Voccia sait toujours précisément où elle va. Son jeu singulièrement puissant imprime une direction farouchement défendue, même lorsque le propos se fait moins abrupt, comme dans « Ascension », qui débute dans un dialogue entre le piano et la batterie, véritable courroie de transmission du trio.
Avec sa solide culture classique, Céline Voccia propose une musique qui interroge la spontanéité et la vigueur, armée d’une technique sans défaut. Dans « Rémanence », qui clôt l’album dans une longue improvisation collective, elle construit avec la contrebasse de Roder un jeu extrêmement subtil sur le spectre sonore, de manière très abstraite, se donnant le temps de construire un univers en constante expansion, privilégiant l’infiniment petit. Paru chez Jazzwerkstatt, ce nouveau trio est à découvrir d’urgence.
Jazzin – Philippe Levreaut
Dès la première note, la première phrase, l’ancrage, la ruée, le ton est donné. Des phrases courtes, affirmatives, dans un registre grave, enveloppées d’emblée d’une rythmique affairée, fouilleuse ; une décision surtout dans la direction, une fermeté, emportent la pièce (Ravin) qui ne s’éclaire qu’aux dernières secondes en s’espaçant peu à peu avant de s’évanouir sans traîner. L’immédiate densité dans laquelle elle nous plonge, la dispersion qui inversement la dissout, ne laissent aucune place au doute sur le déploiement organique d’une musique qui procède sans dévier, sans que plane l’ombre d’un plan médité. C’est le temps qui décide, et le trio répond instantanément. La pièce qui suit (Miroirs envolés) procède à rebours, de la dislocation au remembrement profus de cellules tournoyantes. Une troisième (Lamentations) met en jeu des effets de suspension : des éléments flottants s’agrègent progressivement à mesure que s’étend la tessiture. La contrebasse pousse de l’archet une vieille grille et le piano progresse à pas comptés dans un parc assombri aux ombres agitées, bientôt menaçantes, comme sur un échiquier dont les pièces s’animeraient peu à peu, dans un rêve qui deviendrait réalité. Des images qui certes s’éloignent quelque peu du titre conçu comme un programme, sauf à considérer ce que cette métamorphose peut présenter d’inquiétude, et, peut-être d’un regret qui ne s’exprimerait pas sur un mode plaintif. En suivant un trajet comparable, Rémanence s’égoutte doucement tandis que le ciel se charge et prépare le gros temps pour s’abattre en grain serré.
Dans toutes les pièces, le trio trace avec rigueur mais sans raideur un sillon parfaitement lisible. Le fourmillement percussif, accusé d’une frappe sèche, d’une batterie échevelée, à l’occasion puissante (Ascension), la rondeur d’une contrebasse solide et vigoureuse, répandent, en les dépliant, les ruminations venues du clavier. Un clavier germinatif qui à l’instar d’une graine contient à l’état de dormance dans les profondeurs de la terre l’explosion de vie qui jaillira à son heure en d’innombrables ramifications. C’est peut-être le sens de cette Dislocation qui, malgré le déboîtement de ses formes ne renie jamais l’unique tronc dont elles procèdent. Rémanence : les notes claquent, il y a des crissements de soie, des averses de grêle, des ronflements, des éclaboussures, des carillons ; cela s’obstine, gémit, s’excite, s’encolère, dévaste, puis passe – comme un typhon. Toujours, un même dynamisme s’exprime dans tous les registres et sur tous les tons. Néant sème, épars, des sons creux qui frôlent asymptotiquement le silence, et puisent à l’approche de ce noyau de vide une énergie qui les propulse en une masse tournoyante. C’est ironiquement que cette pièce s’achève sur un tic-tac de métronome, mettant à nu le moteur dialectique de l’être et du néant, tirant toutes les déterminations qui font de cette musique l’expression de la métamorphose continue du vivant.
Est-ce Berlin, où elle vit, qui a ensorcelé Céline Voccia et notre écoute à son tour au point de déceler un petit Hegel dans son moteur ? Comme tout carburant, transformé en puissance, il n’en restera que fumée ; la pensée investie toute entière dans le son, restituée dans son épaisseur, sa densité, son intensité émotionnelle.
Bad Alchemy – Rigobert Dittmann
Die französische Pianistin ist 2011 nach Berlin gekommen, wo sie sich von der zeitgenössischen immer mehr zur freien Szene hingezogen fühlte, im Duo mit Silke Eberhard, als das C in ACM mit Anna Kaluza und Matthias Bauer, mit Edith Steyer, mit Alexander Frangenheim und weiteren der üblichen Verdächtigen, die im Studio Börne 45, Sowieso oder Kühlspot Social Clubaufspielen. Hier ist sie flankiert von Bassmann Jan Roder als gediegenem Herrn mit Fedora und an den Drums Michael Griener, wetterfest mit Bärenfotze. Um à la français zu philosophieren und sich mit Baudelaires Hélas! tout es abîme vom Grauen an des Wahnsinns Sumpf zerrissen zu fühlen und doch nicht recht zu wissen, ob man die, die immer bei den Zahlen, Dingen bleiben,beneiden oder verachten soll. Entweder man ist an- und umgetrieben, zu handeln, zu begehren, zu träumen (um jeden Preis). Oder fühllos und stumpf. Man kann schlecht über beides lamentieren. Sondern nur zwischen dem Abgrund und dem Nichts taumeln, um von beidem zu aszendieren, zu dislozieren. In berauschter Wühlarbeit und mit Sprungkraft, mit schmerzlichem, fiebrigem Bogenstrich, zischend crashenden Becken. Mit diskant und brachial angeschlagenen Tasten und spitzfindigem Pizzicato in der löchrigen Gegenwart des Nichts, um dagegen anzuwirbeln, anzuhämmern. Voccia handfest, Griener taff rappelnd, Roder mit Spring-Heel-Jack-Fingern, alle auf dem Sprung, mit holzendem, klirrendem Schlaghagel, fickrigem, fitzendem Drahtwerk, zwirbeligem Pizzicato, arpeggierendem Seitwärts, mit ostinatem Linksdrall. ‚Rémanence‘ (Nachglühen, Nachbild) fischt aus dem Nichts nur noch feinsten Sound aus dem Innenklavier, von Rosshaaren, Metallkanten. Winzige Pianotröpfchen und perkussive Geräusche. Bis das Getröpfel und Grieners Unruhe zunehmen und sich mit verhuschtem Arco klimprig verdichten, mit zuversichtlichem Arpeggio, schwungvollem Gefiedel, temperamentvollem Crashen in dreistimmigem Crescendo. Und doch dem finalen Rücksturz zum Pianissimo. Im Innersten dieser Mise en abyme thront die Stille. [BA 120 rbd]
Freistil
Die französische Pianistin Céline Voccia ist seit geraumer Zeit Teil der Berlin Avantgarde-Jazz-und-Improvisationszene. Abîme ist nundas erste Studioalbum ihres, mit Bassist Jan Roder und Schlagzeuger Michael Griener, hervorragend besetzten Trios. Die Musik der Formation verschränkt Free Jazz mit Elementen und Strukturen moderner Komposition, wobei dem Improvisatorischen besonderes Gewicht zukommt. Die Musiker:innen agieren sehr geschlossen sensibel auf die wechselseitigen Impulse und warten mit vielen spannenden Wendungen auf. Das ist über weite Strecken dicht, kraftvoll, auch hochenergetisch, kommt anderswo aber ebenso zurückhaltender, tastend daher, weist gehörige Brandbeite auf. Bei allem Temperament kommen auch Lyrisches und eine gewisser melancholischer Impetus nicht zu kurz. Eine beeindruckende, vielfarbig schillernde Produktion (bertl)
Revue et corrigée – Joël Pagier
Il suffit d’étudier un peu le calendrier du site echtzeitmusik, dédié aux musiques créatives berlinoises, pour admettre que la capitale allemande est désormais le carrefour de l’expérimentation européenne, qu’il s’agisse de free, d’impro, de rock, d’électro, de contemporain ou de tous les courants hybrides pouvant résulter d’une telle promiscuité. Quelques soirées passées dans les clubs et les squats de Kreutzberg ou Neukölln achèvent de s’en convaincre tant sont nombreux·ses les artistes d’avant-garde issu·es du Monde entier qui ont choisi de s’y installer afin de goûter à l’effervescence novatrice et à l’émulation qui en procèdent.
Ainsi de la Française Céline Voccia qui, après avoir étudié le piano classique au Conservatoire de Genève puis le jazz et l’improvisation dans tous les bons endroits parisiens, a choisi de plonger au cœur du vortex. Bien semble lui en avoir pris, d’ailleurs, puisqu’elle y a très vite croisé ses pairs, participé à moult rencontres et initié divers projets aussi jouissifs qu’innovants. En plus du présent trio en compagnie de Jan Roder et Michael Griener, Céline Voccia partage avec le contrebassiste Alexander Frangenheim un duo qui peut s’étendre jusqu’au trio avec Michel Doneda ou au quartet avec Harri Sjöstöm et Els Vandeweyer. On peut également l’écouter avec la saxophoniste Silke Eberhard ou au sein de quelques formations dont l’ACM Trio, l’Unzeit Quartet et le Kontakt Quartett… Bref ! Les occasions d’entendre ce piano biberonné au free et à l’impressionnisme européen ne sont pas rares dans cette partie du Monde !
Avec le bassiste Jan Roder et le batteur Michael Griener, Céline Voccia puise dans les graves une matière épaisse et mouvante dont chaque molécule, agrégée à ses semblables, participe au bouillonnement. La surface frémissante s’élève depuis son centre et amorce un tourbillon qui atteint très tôt sa vitesse de croisière. Constitués eux-mêmes de sourdes particules, les râles de la basse et les frappes de la batterie apparaissent comme autant de projections issues de cette structure giratoire. Car, en dépit de la liberté perceptible dans les choix de chaque instrumentiste, tout cela demeure bigrement élaboré. L’ascension se produit à „pas de géants“, par strates successives, et la masse ainsi suspendue se répand dans l’atmosphère en fines gouttelettes de piano, légers pizzicatos et scintillements de cymbales. La démarche des trois partenaires s’avère toujours chaloupée, mais parfois hésitante, comme lorsqu’on évite un obstacle surgi à ses pieds. On ne peut s’empêcher de penser à Monk face à la progression cahotante de l’ensemble et de chacun. L’évolution des diverses pièces obéit au principe fondamental d’une fusion entre le déploiement d’une harmonie qui emprunte sa logique et son ouverture aux compositeurs européens, admettant çà et là une touche dodécaphonique, et s’immerge dans le rythme linéaire d’un jazz en rupture de swing, avide d’écarts et de brisures, et réglé malgré tout sur l’évidence de la respiration.
Cet „Abîme“ invoqué par la pianiste n’usurpe pas le caractère vertigineux des compositions spontanées signées par le trio, mais la chute suggérée se révèle ascensionnelle. C’est vers le ciel et sa clarté que tendent les pièces issues des limbes les plus obscurs. Une des multiples contradictions de cette musique chambriste qui sait se montrer explosive et fouille dans le chantier de l’instant ce petit air d’éternité qui nous trotte encore dans la tête une fois reposé le couvercle sur le clavier.